Dès le XIIe siècle cette place était tout à la fois lieu de commerce et de foire, espace festif et site d'exécution des sentences de justice. Au fil des siècles elle perd son aspect répressif pour devenir ce qu'elle est aujourd'hui : un immense carrefour où l'animation croit au fur et à mesure qu'avance l'après-midi. Y cohabitent bateleurs en tout genre, montreurs de singes, charmeurs de cobra, diseuses de bonne aventure, tatoueurs au henné, vendeurs d'oranges pressées… La place est aussi le théâtre d'expressions culturelles ancestrales, conteurs, poètes, danseurs gnawis et joueurs de senthir (hajhouj), musiciens berbères (mazighen). Puis, passé 17h, la soirée s'avance. Répartis selon un plan quadrillé et numéroté, les restaurants (ancêtres de la street-food) installent cuisine, tables et bancs. Une fumée odorante envahit et floute la place sous l'ondulation des hautbois (zurna), le choc des tambours et parfois l'appel du muezzin. Et la foule accourt de toute part, c'est ainsi que près de 10.000 couverts y sont servis chaque nuit. Alors on pardonne aux solliciteurs de toute sorte et on se laisse gagner par l'ambiance de Jemaa el-Fna, le lieu de rendez-vous des marrakchis comme des touristes. D'ici on se choisit un café ou le toit-terrasse d'un restaurant, on part en calèche autour de la ville, on se perd dans les souks de la médina. Et toujours on y revient.